Égression orthodontique
l'article princeps
À une époque où les options thérapeutiques étaient limitées pour les fractures radiculaires proches de la crête alvéolaire, Geoffrey S. Heithersay proposait en 1973 une approche novatrice alliant endodontie et orthodontie.
Cette méthode conservatrice visait à sauver des dents autrement condamnées à l’extraction, en repositionnant le segment radiculaire apical par traction orthodontique. Un protocole avant-gardiste qui préfigurait des pratiques encore utilisées aujourd’hui.


Cet article de Geoffrey S. Heithersay propose une méthode novatrice pour l’époque (nous sommes en 1973) combinant les traitements endodontique et orthodontiques pour traiter les fractures radiculaires transversales situées à proximité de la crête alvéolaire. Ce type de lésion était considérée comme cliniquement complexe en raison de sa localisation sous-gingivale, ce qui rendait difficile la cicatrisation et la restauration fonctionnelle et esthétique du segment coronaire.
L'auteur explique que les réponses biologiques aux fractures radiculaires peuvent inclure la formation de tissu calcifié, de tissu conjonctif fibreux, ou d’un mélange de tissus osseux et conjonctif. Il note également que l’interposition de tissu de granulation représente une réponse défavorable, souvent observée lorsque l’environnement est infecté ou instable.
Face aux limites des traitements conventionnels, comme la chirurgie parodontale ou les techniques de contention intracanalaires, Geoffrey S. Heithersay propose un protocole fondé sur l’égression orthodontique du segment apical, afin de repositionner la racine dans une position plus favorable pour une restauration prothétique durable.

Deux méthodes sont décrites :
Méthode 1 : utilisée lorsque le segment coronaire est conservé sans déplacement majeur. Une pulpectomie est réalisée à travers la couronne, suivie d’un traitement canalaire comblé à la gutta-percha. Un moyen d’ancrage temporaire (il utilise un mandrin de fraise) est inséré à travers le segment coronaire jusqu’au segment apical. Un ressort orthodontique fixé aux dents adjacentes permet d’égresser doucement la racine. Avec cette méthode, l’esthétique est préservée pendant le traitement, et la procédure est plus confortable pour le patient.
Méthode 2 : indiquée lorsque le segment coronaire est perdu ou déplacé. Le traitement endodontique est alors effectué directement sur le segment apical après retrait de la couronne lorsqu’elle est encore présente. Un ancrage est inséré et utilisé pour fixer le ressort orthodontique. Ce protocole facilite l’accès opératoire mais présente un désavantage esthétique temporaire.
Dans les deux méthodes, Geoffrey S. Heithersay recommande un maintien passif six semaines après le déplacement de la racine afin de permettre une stabilisation des fibres parodontales. Un remodelage gingival ou osseux mineur peut être nécessaire lorsque les tissus suivent le déplacement radiculaire.

Trois cas cliniques sont présentés :
1. Un homme de 22 ans ayant subi un traumatisme par une boule de billard présente une fracture radiculaire 3 mm sous la crête alvéolaire. Traitement par la méthode 1 avec une égression de 4 mm sur 6 semaines. Une chirurgie parodontale complémentaire fut nécessaire. Une couronne céramo-métallique avec biseau cervical a été posée, suivie d’une plaque de contention orthodontique pendant 6 mois.
2. Une fille de 9 ans, vue deux mois après un traumatisme, présentait une fracture 2 à 3 mm sous la crête avec résorption osseuse marginale. Traitée par la méthode 2, le segment apical fut déplacé de 3 mm, couronné après 6 semaines de stabilisation.
3. Un patient de 19 ans avec une fracture oblique d’une dent déjà couronnée. Traitement par la méthode 2, incluant le déplacement de 4 mm, correction parodontale et couronne céramo-métallique avec contention.

L’auteur souligne l’importance d’un rapport couronne-racine d’au moins 1:1, ce qui nécessite une longueur résiduelle radiculaire de 12 à 15 mm. Aucun cas de récidive ou d'ingression radiculaire n’a été observé durant un suivi de 18 mois.
Il explique alors que ce protocole offre de nombreux avantages par rapport à l’extraction et la pose de bridges : meilleure préservation tissulaire, intégrité parodontale, économie financière, et maintien de l’esthétique. De plus, cette technique peut être étendue à d’autres indications comme les fractures obliques, les perforations radiculaires, les caries ou résorptions profondes, pour lesquelles l’égression permet de repositionner la lésion à un niveau plus accessible.

En conclusion, cette approche combinée offre une solution conservatrice et efficace à des situations cliniques complexes, en évitant des chirurgies invasives tout en assurant un bon pronostic à long terme pour la dent affectée.
On peut également ajouter, que malgré l’émergence des restaurations implantoportées, cette solution proposée par Geoffrey S. Heithersay constitue encore une alternative conservatrice séduisante.

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